On dirait que ceux qui se sont déplacés pour assister à aux concerts de la première tournée européenne donnée par la jeune Queen-ne-paye-pas-de-mine savaient dans quoi ils s’engageaient (la plupart des concerts 2016-2017 de Princess Nokia se sont joués à guichets fermés). C’était un pari. Celui de trouver un bon remue-ménage, autant que le risque d’être déçu par un jeune talent peut-être encore trop peu aguerri par la scène et son intensité.
Princess Nokia Vs. Princess IRL
Du moins c’est ce que je pensais. Mais voir la tigresse Nokia débarquer sur scène, c’est comprendre instantanément que ce chemin de pensée est en fait un truc bien ringard. Quid de ceux qui sont nés pour être là. Sur la scène. A crier, à scander, à nous remuer et nous insuffler cette nouvelle bouffée d’air frais, celle qu’on ne trouve pas facilement dans les rues de nos villes, dans les lignes de nos journaux, ni dans les résultats de nos bulletins de vote ?
Princess Nokia est une princesse guerrière.
Une meuf qui ne se laisse pas faire, et n’hésitera pas à arrêter son show et menacer de te casser la tête si tu lui manques de respect. Bien lui en prenne.
Deeply Rooted
Vraie. C’est l’adjectif qui colle le mieux à Princess Nokia. Ecouter ces lyrics, c’est se plonger dans l’histoire d’une jeune new-yorkaise de 25 ans aux racines et aux idées florissantes. C’est bien cela qui rend sa musique aussi unique, riche, intriguante. Ne surtout pas s’arrêter à la première chanson. La suivante n’y ressemblera en rien.
Il faut l’écouter, balayer dans Tomboy les préjugés machistes qui l’ont suivie tout au long de son enfance. L’écouter encore, peindre dans Green Line son attachement indéfectible au New York East Side qui l’inspire, celui qui l’a vue grandir et survivre aux nombreuses épreuves de son enfance. For 2.5 I can go anywhere I want est plus qu’une simple ligne. C’est l’histoire de cette fille qui s’échappe à 15 ans d’une mère d’adoption qui la bat.
“Don’t you fuck with my energy”
Pour continuer de lever le voile, il faut voir la richesse artistique du clip Brujas, qu’elle a produit, et dans lequel elle célèbre ses racines hispaniques avec tout autant de fierté qu’elle le fait pour le reste de son identité. Princess Nokia est une femme qui sait ce qui la constitue. Droite dans ses bottes, elle revendique son passé pour mieux marcher vers son futur. C’est ce que sa musique transpire. Une musique qui pourrait aisément voler d’un héritage tantôt jazzy, tantôt Gangsta, à du R&B alternatif caressant la peau, affirmant toujours plus le magistère de la maîtresse sur son corps, sa carrière, ses droits. Avé Nokia.
Une fois sortie du studio, descendue de scène, Destiny de son vrai nom (coïncidence ? certainement pas…) montre une aura et un phrasé aussi calmes que solides. La jeune femme, féministe jusqu’au bout des neurones, prônant la tolérance raciale, a su construire sa pensée et son argumentaire bien au delà de la rime. Assumer son lourd passé, assumer ses valeurs progressistes envers les femmes et la discrimination, est un exercice qu’elle sait maîtriser avec un aplomb grisant.
Si Princess Nokia était une plante, elle serait un figuier de Barbarie; grandissant dans la sécheresse et l’adversité, une plante qui quand on s’y frotte, on s’y pique. Mais qui sait lui donner du temps et l’admirer de loin, aura le bonheur d’être là pour en admirer ses fleurs et en déguster ses fruits.
Pour aller plus loin, vous pouvez également la retrouver sur la track Take Off de l’album du beatmaker Branko, tout entier dédié aux beats des Suds (Afrique, Amérique). Elle révélait également pendant sa tournée qu’il fallait l’attendre sur un nouveau projet visuel/documentaire… A ne pas perdre de vue.